#21

Maintenant que toutes ses épreuves étaient derrière lui, Pierre avait à nouveau du temps libre pour flâner dans la ville. Pierre avait très envie de s’aventurer à nouveau dans la Zone.

Il arriva devant le parc à la fontaine, à l’heure indiquée sur la grille horaire. Malheureusement, le passage était inaccessible : on faisait des travaux d’entretien du jardin, visiblement.

Déçu, Pierre sortit son plan. Les autres points d’accès à la Zone étaient trop loin pour espérer y arriver avant la fin du créneau horaire – d’à peine deux heures, cette fois. Ce serait pour un autre jour. Il avait la vague impression qu’on voulait l’empêcher de prendre deux fois un même passage.

Résigné, Pierre rentra vers le lycée. En cette fin d’année, il y avait plein de tâches administratives à réaliser, et puisqu’il n’avait rien à faire, autant aider les autres. Plus nombreux, ils finiraient plus vite.

Car du travail, il n’en manquait pas, et pour tous les goûts : archivage, vérification des dossiers d’inscription, report des notes sur les dossiers scolaires… Même si tout était informatisé, ces tâches n’étaient toujours pas automatiques. Et la gestion des multiples bases de données était si calamiteuse qu’il était parfois très complexe de retrouver un fichier perdu. Sans parler des problèmes de compatibilité des logiciels…

Des parents d’élèves passaient parfois déposer des documents manquant ou juste se renseigner sur la scolarité. Pierre fut surpris de croiser Lena, qui venait pour une cousine qui allait rentrer au lycée. Comme elle venait de plus loin dans les terres, au nord de la ville, elle ne pouvait pas encore venir en personne.

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#22

La cour du lycée était déserte. De temps en temps, un rayon de soleil perçait à travers les nuages.

– C’est triste, un lycée vide…

– Oui, un peu…

Pierre et Lena étaient accoudés à une rambarde, dans une coursive du deuxième étage.

– D’un autre côté, il faut bien que les vieux murs se reposent à un moment ou à un autre, continua Pierre. Des siècles à accueillir chaque année des centaines d’élèves pas toujours très sages, ça use. Ils ont dû en voir, des histoires ! C’est l’accalmie, avant la tempête, maintenant. Dans deux mois, ils reviendront, comme tout les ans. Il y aura les anciens, qui retrouveront avec plus ou moins d’enthousiasme les lieux; et les nouveaux, qui devront se faire une place. Et tout le monde jouera son futur sur sa chaise d’écolier…

– Oui… et comme tous les ans, avant la rentrée, il y aura une veille de rentrée, où le lycée retiendra son souffle, en espérant que tout se passe bien le lendemain. Une journée un peu spéciale, toute entière dédiée à celle qui suivra; où l’on ne prendra pas le temps de goûter aux dernières heures de calme, à peine troublées par le bruit des pas d’un surveillant. Une journée oubliée, sacrifiée – la même depuis des siècles, qui se répète.

– Oui… aussi.

Lena avança dans la coursive, puis pénétra dans un des bâtiments.

– J’aime bien me perdre dans un vieil immeuble. Quand on ne connaît pas l’endroit, qu’on évalue mal les distances, et qu’on ne visualise plus très bien l’endroit où l’on est, tout prend une tournure plus mystérieuse. On est alors seul avec les murs qui nous entourent, qui nous enferment. Chaque porte peut nous emmener plus loin dans le labyrinthe, peut cacher un trésor insoupçonné – ou simplement nous ramener dans le monde connu, et rompre l’enchantement. C’est moins drôle, après, quand on s’est habitué aux lieux, et qu’on sait qu’il n’y a pas de passage secret derrière une porte verrouillée, mais juste un placard à balais.

– Oui, je vois ce que tu veux dire… Quand je suis arrivé, mon premier aperçu de cette cour, ç’avait été par cette fenêtre, en attendant mon tour au secrétariat. Puis j’étais passé en vitesse devant ce passage ouvert, et ce que j’avais entrevu me paraissait ouvrir vers des tas d’endroits inconnus. Il m’avait d’ailleurs fallu du temps pour retrouver ce passage, qui n’était qu’un lien vers une autre partie bien connue. Mais maintenant, je connais tout le lycée par cœur.

– C’est dommage…

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#23

– Ah, tu es réveillé !

Pierre venait de reprendre ses esprits. Il était allongé au milieu d’un chalet en bois. C’était une femme, assise dans un fauteuil, qui avait parlé. Elle portait une robe rouge, et souriait gentiment.

Il eut un mouvement instinctif de recul en voyait le feu qui brûlait dans la cheminée. Il ne savait pas pourquoi, mais il avait une nouvelle aversion pour cet élément.

– Mais… où suis-je ? demanda-t-il.

– Dans la maison du grand cerf. Tu sais, celui de la chanson – elle fredonna une comptine. On t’a amené ici après tes aventures de la nuit dernière.

– De quoi parlez-vous ? Et d’abord, qui êtes-vous ?

Le visage de la jeune femme se fit subitement plus grave.

– Ah ? Tu ne te souviens de rien ? Tu ne te souviens pas de tes rêves ?

– Non, jamais. Pourquoi, je suis en train de rêver, là ?

– Ah, c’est embêtant, cette anoniromnésie… Bon, on va trouver une solution.

Pierre était totalement perdu. A ce moment-là, une porte s’ouvrit, et une femme-biche entra dans la pièce. Elle amenait du thé, avec des biscuits.

– Ah, bonsoir ! dit-elle. Vous vous sentez mieux ?

– Très bien, merci. Même si j’avoue ne rien comprendre à ce qui m’arrive.

– Vous prendrez bien un peu de thé ?

– Volontiers.

Pierre n’aimait pas spécialement le thé, mais ce n’était pas le moment de se montrer tatillon.

– Saveur églantier, avec un peu d’écorce de bouleau. Comme vous les aimez, ma chère Magda.

– Oh, merci beaucoup ! répondit-elle

Magda. Ce nom ne lui était pas inconnu. Ils laissèrent un peu leur thé refroidir, et le burent en silence. C’était une expérience intéressante. Soudaine, Magda s’exclama :

– Je sais ! Tu n’as pas ton téléphone portable sur toi, par hasard ?

– Euh, non…

– Mince. Il ne me reste plus qu’à tout écrire. Mais ç’aurait été mieux expliqué oralement. A moins que…

Elle se leva, sortit de la pièce, et revint quelque minutes plus tard avec un papier plié en quatre.

– Voilà, met ça dans ta poche. L’essentiel y est. Et surtout, suis bien les consignes, demain matin.

Il acquiesça, interloqué. La femme-biche proposa ensuite un jeu de société, et ils finirent la nuit à jouer aux petits chevaux, devant un feu de bois. Jusqu’à ce que Pierre s’assoupisse.

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#24

Ce matin-là, Pierre avait très envie de retourner dans la zone. Il avait tout préparé la veille, car ce jour-là, le créneau horaire était assez tôt, entre 10 et 13 heures. Et le passage le plus près était assez éloigné de son appartement.

La tramway était calme, à cette heure-ci. Tout le monde était déjà au travail, il n’y avait plus grand monde. Une vieille dame allait visiblement faire son marché; un jeune était sur le départ pour un voyage; et quelques touristes visitaient la ville.

Après deux changements de ligne et trois quarts d’heure de route, Pierre arriva à destination. C’était le plus grand marché de la ville. Tous les jours, des tonnes de carottes, d’esturgeons et de culottes s’échangeaient ici. C’était un des rares lieux qui semblaient figé dans le passé – rien n’était aux normes modernes.

A l’aide de sa carte et de son téléphone, Pierre parvint à trouver ce qui devait être l’entrée du passage. Elle se trouvait dans une rue déserte, en marge du grand marché. La ruelle était sale, et les bâtiments semblaient encore plus anciens que les stands du marché, avec leurs cheminées en cuivre qui crachaient une vapeur blanche.

La porte du passage était étonnamment propre, au milieu de cette crasse. Elle était en métal, cette fois. Du même vert que le premier passage. Mais un cadenas la maintenait fermée. Pierre mit la main dans sa poche, pour ressortir les papiers, en quête d’un indice. En retirant sa main, il fit tomber une feuille pliée en quatre, qu’il n’avait jamais vue.

« Des choses importantes se passent pendant ton sommeil, dont tu ne te souviens malheureusement pas. Cette nuit, pense à mettre ton téléphone portable dans la poche de ta veste, avant de t’endormir. C’est très important. Et surtout, d’ici-là, ne pénètre pas dans la zone topolonique. Demain, tu comprendras. »

C’était signé « Magda ». Pierre ne comprenait pas plus la présence de ce message dans sa poche que celle des autres papiers. Mais il supposait que la « zone topolonique » désignait ce qu’il appelait la « zone », puisqu’il y avait visiblement un lien entre la poche de sa veste et cet endroit mystérieux.

Il était partagé. Il était déjà parti depuis une heure et demie, c’était bête d’abandonner à ce point-là. D’un autre côté, il n’avait aucune idée du code du cadenas.

Il chercha encore vingt bonnes minutes, essaya des dizaines de codes, mais il ne parvint pas à ouvrir la porte. Aucun des papier ne contenait de nombre à trois chiffres, et il n’y avait pas d’indice dans les alentours.

Il se promena encore un peu dans le marché, prit quelques photos, et puis rentra.

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#25

Pierre retrouva Lena devant un bar, non loin de la salle de spectacle où se passait le concert. Ils préféraient se rejoindre ici, au calme, plutôt qu’au milieu d’une foule – où ils ne se seraient jamais trouvé.

Ils étaient très bien placés. Pierre avait dû prendre les tickets très tôt. A vrai dire, il ne s’en souvenait plus très bien. Ils essayèrent de parler, mais le brouhaha couvrait leur voix. Finalement, les lumières s’éteignirent, et la première partie commença.

Comme souvent avec ce groupe, il fallait s’attendre à être surpris pour le choix de la première partie. Cette fois-là, c’était un jeune chanteur accompagné par un accordéon et une contrebasse.

Pierre avait toujours trouvé l’accordéon très émouvant, quoiqu’un peu vieillot. On n’en trouvait plus guère, maintenant, et le son de l’accordéon restait attachait aux images d’un temps révolu. En particulier, il lui rappelait une ville sur laquelle il avait vu beaucoup de documentaires, dans la vieille Europe.

Pourtant, ici, allié à la voix du chanteur et à une contrebasse très rythmique, la musique prenait un tour plus moderne et universel. Elle faisait vibrer en lui quelque chose de profond, d’assez primitif, d’une certaine manière. Il aimait bien – plus que son amie, visiblement.

Pour la deuxième partie, le concert de Sonalyse à proprement parler, ils rallumèrent leurs téléphones portables et lancèrent l’application Amplyse. Pierre avait aussi amené des casque spéciaux, qui amplifiait encore les effets de la musique augmentée.

Le concert débuta. C’était, somme toute, de la musique assez « classique », très travaillée, reposant sur de l’électronique, des instruments acoustiques et des percussions corporelles. Mais ce qui rendait l’expérience vraiment novatrice et intéressante, c’était la musique augmentée. Via leur téléphone portable, les spectateurs recevaient des pensées synchronisées avec la musique. Des images, des caresses, et même des odeurs, étaient ressenties comme des vraies alors qu’elles n’existaient que dans l’esprit des auditeurs. Et la saturation de tous les sens, dans un tourbillon de sensations imaginaires plongeait Pierre dans une sorte de transe exquise, qui balayait toute autre pensée et faisait goûter pour quelques heures à une extase totale.

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#26

Pierre était allongé au milieu du néant. L’éclairage était uniforme, et il reposait sur un sol lisse et dur, ni chaud, ni froid. Autour de lui, aussi loin qu’il puisse voir, tout était d’un noir uni. On ne distinguait ni paroi, ni horizon.

– Houhou, Y’a quelqu’un ?

Il cria dans le vide profond, et il finit même par se demander s’il avait vraiment fait vibrer l’air.

– Pierre ? Pierre, que se passe-t-il ? On ne parvient pas correctement à te joindre !

Pierre sursauta. La voix venait d’un point précis dans le vide, juste à côté de lui. Il recula, apeuré.

– Je ne sais pas. Je suis au milieu du néant, et le néant me parle. Je dois être devenu fou…

Un silence. Total. Puis, un autre voix se fit entendre.

– Avez-vous, par hasard, un dispositif sensorimnésique aujourd’hui ?

– Je ne sais pas ce que c’est. Je suis allé à un concert de musique augmentée, ce soir, et…

– Hum, c’est bien ce que je pensais. Ces dispositifs créent des sensations fictives en créant un « souvenir du futur », que le cerveau « revit » quand arrive la date du souvenir. Et la technique de contrôle des ondes cérébrales utilisée parasite la réception des rêves…

– Pardon ?

– En résumé, vous n’aurez que le son, pas l’image, et le reste, pour le rêve de cette nuit.

– Pierre, as-tu pris ton téléphone, comme je te l’avais demandé ?

C’était la première voix qui avait parlé. Il se souvint du mot dans sa poche, ce devait donc être la voix de « Magda ».

– Euh, oui… Mais il n’a plus de batterie…

– Mince. C’est embêtant. Ça va encore nous faire perdre un temps précieux… Est-ce qu’il peut encore enregistrer un court message ?

– Je pense, oui. Mais très court.

– Bon, lance l’enregistrement, et fais-moi signe quand c’est prêt. Enfin, dis-le, quoi.

Pierre tapota l’écran.

– C’est bon !

– Bonjour Pierre, ici Magda. Avant toute chose : ne va pas dans la zone topolonique avant la nuit prochaine, et met ton portable – chargé, cette fois – dans la poche de ta veste demain soir. Ensuite, je dois…

– Trop tard. Il s’est éteint…

– Mince. Enfin, j’ai pu dire l’essentiel. Bon, ça ne sert à rien de continuer, puisque tu auras oublié. Si tu veux en finir avec ce rêve, tu peux te pincer.

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#27

Pierre se réveilla en sursaut. Il avait dû faire un cauchemar – ça ne lui arrivait que très rarement. En tout cas, il avait encore l’esprit confus, après le concert de la veille. Il ne se souvenait plus bien de ce qu’il s’était passé. La technologie des concerts augmentés n’était pas encore tout à fait au point : le cinéma augmenté, qui permettait « d’entendre » les pensées des personnages, ne provoquait pas de tels effets secondaires.

Il remarqua qu’il était dans le canapé. Il se leva, alluma une lumière. Il ne fut qu’à moitié surpris de trouver Lena, qui dormait paisiblement dans son lit une place.

Les éléments s’assemblaient peu à peu dans sa tête. Le concert avait dû finir tard, après les derniers métros. Et en bus de nuit, l’appartement de Pierre était beaucoup plus facile d’accès que celui de Lena. Comme le concert avait été épuisant, Pierre avait dû proposer à Lena de dormir chez lui.

Enfin, c’était l’hypothèse la plus « propre ». Des milliers de scénarios étaient envisageables sur ce qui avait pu se passer entre eux deux.

Pierre chercha son portable, en quête d’éclaircissement. Il était dans la poche de sa veste – il y était resté du concert, probablement. Mais le téléphone était complètement déchargé.

Comme il sentait qu’il n’arriverait plus à se rendormir, il alla le poser sur la station de recharge. En attendant de pouvoir l’utiliser, il fit le tour du petit appartement, pour voir l’état dans lequel il était. Ils n’avaient gardé qu’un haut et des sous-vêtements. Enfin, du moins pour Pierre – Lena était à moitié recouverte d’un drap. De toute manière, il faisait trop chaud pour rester plus habillé. Les vêtements avaient été entassés sur une chaise. Et il régnait un désordre qui n’avait rien d’exceptionnel. Décidément, il n’y avait rien qui puisse lui indiquer ce qu’ils avaient pu faire – ou ne pas faire.

A une barre de chargement de la batterie, Pierre alluma son téléphone. Il espérait y dénicher un indice, mais il ne vit aucun message, aucune photo. Tout ce qu’il trouva, ce fut un enregistrement audio sans nom, qu’il n’avait jamais vu. Il alla à la salle de bain pour l’écouter sans réveiller son amie.

C’était à nouveau cette « Magda », qui lui donnait exactement les mêmes consignes – qu’il avait un peu oubliées, à vrai dire. Elle semblait sur le point d’ajouter quelque chose, mais l’enregistrement se terminait au milieu d’une phrase. Tout cela restait très mystérieux.

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#28

Finalement, Pierre s’était rendormi. Quand il se réveilla, il vit que Lena était allé acheter de quoi petit-déjeûner. Elle lisait un livre, assise sur le lit.

– Ah, tu es réveillé !

Pierre n’était pas encore tout à fait sorti du sommeil, mais il se souvint très vite de son réveil pendant la nuit. Et de ses doutes concernant ce qu’il s’était passé la veille au soir.

– Oui… Bien dormi ?

– Très bien. Je suis sortir acheter de quoi manger. J’avais faim, et… Je t’ai pris des croissants, si tu veux.

– Ah, merci. Il y avait des céréales dans le placard, et du lait dans le frigo.

– J’ai pas osé fouiller. Je vais prendre un bol de lait…

Pierre s’habilla en vitesse, et s’installa à manger. Il sentait une gêne venant des deux côtés. N’y tenant plus, il rompit le silence

– Bon, autant se dire les choses. As-tu un seul souvenir d’hier soir ?

– Aucun.

– Moi non plus…

Ils semblèrent tous deux soulagés, mais la gêne persistait. Ce fut Lena qui parla, cette fois.

– Bon, il va falloir que j’y aille. On devrait avoir reçu de nouveaux échantillons de plancton au labo; je veux voir ça.

Elle rassembla ses affaires pendant que Pierre débarrassait la table.

Ils se firent la bise sur le palier de la porte. C’était un peu démodé, mais peu importait.

– Merci beaucoup pour cette nuit, en tout cas ! Tu m’as épargné bien des galères en bus.

– De rien ! A bientôt !

– Salut !

Pierre referma la porte. Il fit un peu de rangement, en se demandant où il en était. Il ne pouvait pas nier que Lena l’attirait. Elle était jolie, souriante, sympathique. Elle avait quelques mois de plus que lui. Mais là n’était pas le problème. En fait, c’était toujours la même chose : il ne savait ce qu’il en était pour elle, et n’osait pas s’aventurer sur des terres qu’il ne connaissait pas bien. Et puis, au fond, il avait peur de vraiment blesser les gens. Ce qui, au fond, n’était pas arrivé si souvent dans ses précédentes aventures.

Il dut interrompre ses questions existentielles pour aller au travail, ce qui l’occupa le reste de la journée.

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#29

– Bon, j’espère que cette fois-ci sera la bonne. Tu as ton portable, chargé ?

Pierre acquiesça, et tendit son téléphone à la femme qui se tenait devant lui. Il s’était réveillé au milieu d’un chalet qui lui paraissait vaguement familier.

– Très bien. Ne perdons pas de temps, je vais commencer tout de suite.

Elle posa l’appareil sur une table, et se positionna devant l’objectif. Pierre n’avait pas tout compris, alors il se laissait porter par les évènements.

– Bonjour Pierre, ici Magda. Je te parle depuis ton rêve. Enfin… en réalité, les rêves sont produits un peu à la manière des films, dans un monde parallèle, et sont envoyés aux cerveaux des dormeurs via les ondes cérébrales. Dans les faits, c’est un peu plus compliqué. Disons que le cerveau est libre de contrôler ses mouvements dans un gigantesque décor, où des tas d’évènements pré-scénarisés peuvent se déclencher selon ses actions. Enfin, je ne suis pas claire, mais ce n’est pas très important. Il faut juste que tu saches que tu est rentré, sans le savoir, éveillé dans ce monde parallèle. Enfin, plus précisément dans une partie un peu spéciale de ce monde, une zone topolonique. C’est à la fois un quartier de coordination du monde, et une zone de repos, pour toutes les « personnes » qui font les rêves.

Elle prit un verre d’eau. Pierre avait du mal à assimiler toutes ces informations.

– Depuis la dernière fois que tu y es entré, il y a quelques mois, bien des choses se sont passées dans la zone topolonique. Tu y es arrivé par hasard, dans le sillage de ma sœur. Et… à vrai dire, le fonctionnement du « monde des rêves » n’est plus vraiment idéal. Influencé par les rêves des malfrats, des dictateurs et des escrocs, ce lieu est devenu de plus en plus dictatorial et inégalitaire. Bien des mouvements ont déjà essayé de rétablir un monde plus égalitaire, mais ont toujours échoué. Et ma sœur a engendré une nouvelle révolte, qui se déroule actuellement dans le quartier topolonique que tu as visité. Voilà ce qu’il était important que tu saches avant d’y retourner. Si tu y vas, il est probable que tu te retrouves à participer à cette révolte.

Pierre acquiesça, en essayant de comprendre ce qu’il avait entendu.

– Voilà. Des questions ?

– Euh… oui. Je me demandais : comment se fait-il que vous me parliez par mon rêve ?

– C’est une longue histoire. Je viens du même monde que toi, mais un accident m’a laissé bloquée dans les rêves des autres. Et sinon, quelque chose d’imprévu est arrivé pendant un de tes rêves, et nous avons volé l’émetteur qui te matérialise dans ce monde pour pouvoir te parler tranquillement.

– D’accord, répondit Pierre, pensif.

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#30

Cette fois-ci, Pierre était bien décidé à se rendre dans la Zone. Il consulta les fichiers de son téléphone, pour voir si, par hasard, il y avait d’autres consignes, et tomba sur un fichier vidéo sans titre, enregistré dans la nuit.

Une femme-louve, en robe rouge, s’adressait directement à lui, « depuis son rêve ». Magda. Elle lui faisait une explication rapide du fonctionnement du « monde des rêves », digne d’un roman de science-fiction. Tout ce que Pierre retint, c’est qu’il avait mis les pieds dans quelque chose qui le dépassait. Vers la fin, il s’entendit poser une question. Mais c’était un homme-chèvre qui avait parlé, dans la vidéo. Etait-ce lui-même ? Un clone mal dégrossi ? Il se sentit un peu mal-à-l’aise.

Il rejoua plusieurs fois la vidéo, pour être sûr d’en comprendre le plus possible. Le plus troublant était la fin, où un homme-cerf entrait précipitamment par une porte du fond, et s’écriait : « Il faut partir. Le lapin a vendu la mèche ». La vidéo s’arrêtait sur la paniqué créée par son annonce.

Il en tira plusieurs conclusions. D’abord, qu’il avait pénétré le monde des rêves par hasard, et que c’était ce qu’il appelait « la zone ». Ensuite, que sa veste semblait être le seul lien matériel entre son rêve et son éveil. Enfin, que le monde des rêves était secoué par une révolte, provoquée par la sœur de Magda.

Cela restait très confus, mais il comprenait mieux certaines choses. Notamment la manière dont les papiers d’accès à la zone lui étaient parvenus. Il remarqua aussi qu’il était à présent « autorisé » à se rendre dans la zone – et ce qui l’y attendait attisait sa curiosité.

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