Aucun fichier-souvenir de son rêve, ce matin-là. La veille, il était resté trop tard avec les autres surveillants, et n’avait pas pu aller dans la Zone à temps. La prochaine « ouverture » serait le lendemain.
Il envoya un nouveau message à Lena, qui n’avait toujours pas répondu. Il commençait à s’interroger sur son mutisme, à imaginer des raisons improbables qui l’empêchaient de répondre.
Pour se changer les idées, comme il n’avait rien à faire de la journée, il fit quelque chose qu’il ne faisait jamais : il alluma la télévision. En réalité, la « télévision » était simplement une image 3D projetée par son téléphone portable, avec une application spéciale.
C’était l’époque des Jeux Olympiques. Depuis la Grande Anomalie, les étés étaient devenus dans la plupart des pays, soit trop chauds, soit trop humides. Aussi avait-on décalé les Jeux d’Août à Juin.
Pierre ne s’y était jamais vraiment intéressé. Le sport, il préférait en faire plutôt que de le regarder. Pourtant, quand il tomba par hasard sur une épreuve de barres asymétriques, il fut étrangement fasciné.
Il y avait bien sûr la performance sportive qui était impressionnante. A vrai dire, il avait toujours un peu « méprisé » les sports moins connus que la natation ou le tennis. Mais à un tel niveau de maîtrise, cela devenait simplement passionnant. Les compétitrices semblaient s’affranchir des lois de la gravité, et repousser les limites de leur corps. Cela devenait une sorte de danse en apesanteur.
Mais ce qui frappa le plus Pierre, c’était ce qu’il y avait « autour ». La cérémonie, d’abord, où tout était minutieusement organisé pour le spectacle : les costumes, les lumières, les déplacements… Les sportives étaient en permanence filmées par une nuée de caméras, qui leur interdisaient le moindre faux-pas. Et puis, surtout, ce qu’il voyait sur les images, c’était la pression, l’angoisse de certaines sportives. Leur sourire était un peu trop figé, leurs gestes un peu trop raides. Elles avaient beau être habituées, elles jouaient tout sur une minute de prestation physique. Ce n’était que sur les barres qu’elles retrouvaient le contrôle de leur corps.
Au bout d’une demi-heure, Pierre se rendit compte qu’il était complètement essoufflé. En réalité, il ressentait physiquement le stress qu’il voyait sur leur visage. Finalement, il changea de programme.