Pierre tomba à genoux devant la dépouille. Les chants s’arrêtèrent. Le temps s’arrêta. Et Pierre fit ce qu’il devait faire.
Peut-être était-ce la « force narratrice » de l’histoire dont Lena était l’héroïne qui avait inspiré ce geste à Pierre. Peut-être reproduisait-il seulement ce qui se faisait dans toutes les histoires de princesses que l’on racontait aux enfants. Peut-être même ce formatage aux contes de fées, depuis la nuit des temps, avait-il eu comme unique but de guider les actions de Pierre en cet instant précis.
Quelle qu’en soit la cause, la réaction de Pierre fut la même : il embrassa Lena.
Un murmure de stupeur parcourut l’assemblée. Pierre se redressa à moitié, pris d’un doute sur la pertinence de son geste.
Le murmure changea de forme, et s’amplifia. Pierre se tourna à nouveau vers Lena, et la vit remuer, toussoter, et ouvrir les yeux. Instinctivement, il la prit dans ses bras, l’installa plus confortablement. Le murmure s’était transformé en cris de joie. Lena n’avait pas l’air de comprendre tout ce qui se passait, et semblait un peu effrayée par toute cette agitation autour d’elle. Elle se serra contre Pierre, et ils restèrent ainsi un moment, au milieu de la foule, qui formait un grand cercle autour d’eux.
Finalement, Lena retrouva ses esprits, se releva, et déclara à la foule, d’une voix un peu faible :
– Merci à tous, mais laissez-moi respirer, par pitié ! Retournez à vos occupations, je vais bien, je reviendrai demain…
Drôle de discours, pensa Pierre. Pourtant, les gens obtempérèrent, et se dispersèrent. Il ne resta plus qu’eux deux.
– Ca va ? demanda-t-il, un peu benoîtement
– Lasse et très fatiguée. Il faut que je rentre…
– Tu veux que je te raccompagne ?
Elle hocha la tête. Il se laissa guider vers le premier passage qu’il avait emprunté, celui par lequel tout avait commencé. Lena avançait lentement, clopin-clopant. Elle finit par passer son bras autour de Pierre pour qu’il lui serve d’appui.
Heureusement, l’appartement de Lena était très proche de l’entrée du passage. Ils y entrèrent, et elle s’effondra d’épuisement sur son lit.