Jacques avait réussi, après un certain temps à passer d’un standard téléphonique à un autre, à obtenir le numéro de la chambre d’Yves à l’hôpital.
– Allô ?
La voix était un peu faible, la prononciation difficile, mais c’était bien son ami.
– Allô, Yves ?
Pour un peu, Jacques en oubliait presque de répondre. Il avait imaginé des centaines de scenarii possibles pour la conversation. Sauf le bon, évidemment. L’accident de son ami le touchait beaucoup.
– Jacques ? … Jacques ! Ça fait un bail !
– Ben oui, je… enfin… On m’a dit, pour ton accident, et je…
– Oh, allons… Ne prend pas ce ton si déprimant ! Ça ira pour moi, ne t’en fais pas…
– Ah ?…
– Pour l’instant, je ne peux quasiment pas bouger la moitié gauche de mon corps. Et je ne sens rien de ce côté… C’est con, en plus, j’étais gaucher !… La faute à pas de chance…
» De tout le baragouin des médecins, j’ai compris une seule chose : je peux récupérer. Et je vais récupérer. Crois-moi, j’ai pas envie de rester comme ça…
– Ah !…
– Mais oui, je te dis. Aujourd’hui, j’ai réussi à lever un peu le bras. Hier, je pouvais pas, alors qui sait comment je serai demain ?… Aucune raison d’être pessimiste. Mes parents ont l’air assez abattus comme ça, pas la peine d’en rajouter !…
» J’ai jamais aimé l’hôpital. Trop de souffrance… Beaucoup d’espoir, aussi, mais… c’est fou comme les couloirs d’hôpitaux donnent le cafard… Même quand ils sont lumineux et modernes, il sont imprégnés…
» Dans deux jours, je mets les voiles. Je pars en centre de rééducation. J’y resterai le temps qu’il faut.
– Ah ?… Où vas-tu ? Je pourrai peut-être passer te voir ?…
– Non, non… J’ai pas envie qu’on me voie comme ça… Si tu veux, passe un coup de fil, de temps en temps. Ça serait sympa.
– Je penserai à toi…
– Non, s’il-te-plaît, non. Vis ta vie. Prends du plaisir dans ce que tu fais… Oui, fais toi plaisir. Pour deux…