Vers vingt-deux heures, quand la nuit fut bien noire, la sirène se montra. Elle avait sorti la tête de l’eau juste sous un nénuphar, et était restée immobile jusqu’à ce que Jacques l’aperçoive – à la lumière de leur lampe de camping.
Il s’avança prudemment sur le ponton, très étroit.
– Bonsoir !
La sirène disparut, puis reparut contre le ponton.
– Bonsoir.
Isabelle et Juliette s’avancèrent, timidement. Elles avaient l’air assez impressionnées.
– Bonsoir ! dit la sirène à leur intention.
– Bon… bonsoir, répondit Isabelle
– Vous… vous allez bien ? demanda Juliette.
– Très bien, merci.
La sirène se tourna à nouveau vers Jacques :
– On mange ?
Aussitôt, les deux jeunes femmes se jetèrent sur les assiettes, les passèrent à Jacques. Il était amusé par la précipitation avec laquelle elles avaient agit. Mais la sirène fronça les sourcils :
– Pouah, des assiettes en plastique ? Vous savez les dégâts que cause le plastique ? Non, pose les sushis sur un nénuphar, plutôt !
Jacques invita Isabelle et Juliette à venir le rejoindre sur le ponton. Et il mangèrent.
– Pas mauvais. Mais je crois que le poisson, je le préfère vivant.
En se relevant pour chercher le chocolat, Jacques trébucha et tomba à l’eau. Devant l’expression qu’il affichait, un fou rire général éclata. L’atmosphère se détendait.
– Vous voulez le rejoindre ? demanda la sirène, amusée.
Juliette et Isabelle se regardèrent, sourirent, puis partirent se mettre en maillot. Elles entrèrent ensuite dans l’eau, une lampe de plongée à la main.
– C’est quoi, ce que vous avez sur les yeux ? demanda la sirène, intriguée.
– Ça ? Des lunettes de nage. Pour voir net, sous l’eau.
– Je peux essayer ?
Juliette enleva les siennes, et les passa à la sirène.
– Hihi ! J’y vois rien, avec ce truc !
Nouvel éclat de rire. Jacques, lui, n’avait pas de lunettes : il ne distinguait que des formes floues. Et la soirée continua sur cette lancée, dans un joyeux clapotis…
Soudain, Jacques sentit des bras l’enlacer, et un visage se coller au sien. Puis, des lèvres. Surpris, il resta sans réaction un court instant. Puis il se laissa embrasser.
Les lèvres étaient douces et pulpeuses. La salive se mélangeait à l’eau de mer, et avait le goût salé des embruns. Des lunettes de nages appuyaient sur son visage, mais il ne les remarquait même pas. Il se laissait envahir par de doux sentiments, et une folle passion.
La nuit était l’unique spectatrice de ce baiser.
FIN