Toujours le même sanctuaire. Mais cette fois-ci, le ciel était plus clair.
– Salut ! lui dit Magda, dans son dos.
– Salut ! Rien à signaler, aujourd’hui ?
– Non. Le calme plat.
Un silence.
– Les jours ne durent pas 24 heures, ici, je me trompe ?
– Non. Leur durée varie selon leur humeur, et selon les endroits. Du coup, cette fois, on est tout au bout du petit matin.
– C’est joli comme expression. Tout au bout du petit matin.
– Je l’avais trouvée il y a longtemps, dans un vieux livre poussiéreux*. Il y a de très bonnes bibliothèques, ici.
Nouveau silence. Ils regardaient l’aube arriver.
– Ta sœur a rêvé de toi, cette nuit. Ou plutôt d’un avatar de toi, qui se faisait torturer.
Son visage se fit plus grave.
– Ah. C’est ce que je craignais, ça devait arriver. Il faudra peut-être aller la secourir… Mais, attends… C’est forcément des sbires du pouvoir, qui sont derrière tout ça… Tu peux enregistrer un message pour Lena ?
– J’enregistre déjà tous mes rêves. Attends… C’est bon, parle.
Elle détailla son stratagème pour faire avancer les choses.
– C’est tout. Merci.
Pierre allait lui parler de ce qu’il avait vu à l’hôpital, mais il se ravisa. C’était un peu indiscret, d’entrer dans les pensées de quelqu’un.
– Ta sœur m’a raconté toute ton histoire. Ç’a… dû être dur, non ?
– Oui… c’est bien qu’elle t’en aie parlé.
Elle n’avait visiblement pas envie d’approfondir le sujet. La question de Pierre était très maladroite, aussi.
– Tu ne t’ennuies pas trop, ici, seule ? demanda-t-il, pour changer de sujet.
– Si, beaucoup. Les journées sont longues, et il n’y a rien à faire.
– Tu voudrais que je te ramène quelque chose du monde réel ? La poche de ma veste permet de faire passer des choses, tu sais.
– Ah oui, c’est vrai, j’avais oublié. Eh bien… Pourrais-tu me trouver… une lampe de poche… une flûte… et des livres ?
– Euh, d’accord. Quel genre de livres ?
– Oh, ce que tu veux. Romans, poésie, théâtre, je prend ce qui vient. Plutôt de la fiction.
* Aimé Césaire, Cahiers d’un retour au pays natal