– Où va-t-on ?
Avec le vent, il devait crier pour se faire entendre.
– Vers la bordure de cette zone à rêves. C’est le seul endroit où on sera temporairement à l’abri. L’équipe normalement dédiée à produire tes rêves nous poursuit pour récupérer ton émetteur. Mais pour quitter cette « scène », il leur faudra des autorisations très longues à obtenir. Autorisations dont nous nous passerons.
Le vol était assez agréable, au fond. Passées les premières frayeurs, il se détendit un peu, et se rendit compte qu’il avait les bras solidement enroulés autour de la taille de Magda. Il était un peu gêné, mais n’osait pas la lâcher.
– Lena, c’est ta sœur, donc ?
– Oui…
Elle ne put pas continuer. La mer de brouillard au-dessus de laquelle ils volaient s’était lentement élevée, et s’approchait dangereusement de leur groupe. La surface s’anima soudain, et un poisson de brume sauta hors de la nappe de nuages. D’autres apparurent, qui semblaient vouloir s’en prendre aux griffons.
Ils tentèrent de s’élever, mais ils étaient à l’altitude limite que les griffons pouvaient atteindre. Finalement, le grand cerf cria :
– On plonge !
Aussitôt, Magda fit un geste des bras, et l’oiseau partit en piquet dans la brume.
Pierre sentit une poussée d’adrénaline monter en lui. Il était en chute libre, et s’attendait à heurter le sol à tout moment. Il ne voyait absolument rien autour de lui, mais sentait des coups de griffe lui lacérer la peau. A travers le vent qui sifflait dans ses oreilles, il lui sembla entendre des cris qui lui glacèrent le sang.
Brusquement, une paroi montagneuse sortit d’une nappe de brouillard, droit devant eux. Magda réagit aussitôt en redressant et freinant le griffon. Ils frôlèrent la montagne de très près. Pierre n’avait jamais eu aussi peur de sa vie.
Ils repartirent en direction du sol, mais plus doucement. Le danger était loin, maintenant. Ils finirent par atteindre le dessous de la nappe de brume. Ils se posèrent à la bordure d’une forêt, puis se cachèrent dans les bois.
– Bon, on a perdu les autres. Ca va ? demanda Magda
– Un peu secoué…
– Si tu veux en arrêter là pour aujourd’hui, pince-toi. Je continuerai avec ton émetteur, ce sera plus pratique.
– Pourquoi attendez-vous à chaque fois mon réveil ?
– Branche ton téléphone – Pierre s’exécuta. Nous ne contrôlons pas le moment exact où tu apparais dans ton rêve. Tout au plus pouvons-nous grossièrement savoir la période. Et il faut que tu te réveilles dans de bonnes conditions, puisque nous ne savons pas quelle sera ta position. Imagine un réveil allongé sur le dos, en travers du griffon… Pas génial, non ?
– Oui, en effet. Par contre, on peut contrôler ma sortie, c’est ça ?
– A peu près. L’expression « pince-moi je rêve » est assez sensée, en fait.
– Bon, ben je vais te laisser.